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Abandon de poste et démission : Les nouvelles règles à connaître depuis la réforme de 2023

L’abandon de poste a longtemps été utilisé comme une « solution » pour quitter son emploi tout en conservant des droits aux allocations chômage, puisque dans ces conditions, les employeurs optent pour un licenciement pour faute grave. Toutefois, la réforme introduite par le décret du 17 avril 2023 (en note de pas de page : Décret pris pour l’application de l’article 4 de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi) sur la mise en œuvre de la présomption de démission en cas d’abandon de poste volontaire du salarié a mis fin à cette pratique en encadrant strictement les conséquences de l’abandon de poste.

Cet article fait le point sur les nouvelles règles applicables à l’abandon de poste et les procédures applicables pour les employeurs comme pour les salariés.

L’abandon de poste se caractérise par une absence injustifiée et prolongée du salarié, qui cesse de se présenter à son poste sans autorisation. Avant la réforme, cette situation plaçait souvent l’employeur dans une incertitude juridique, celui-ci devant engager une procédure de licenciement pour faute grave afin de mettre fin au contrat.

Quant à la démission, c’est l’expression claire et non équivoque de la volonté d’un salarié de mettre fin à son contrat de travail. Elle constitue un droit pour le salarié, mais elle doit respecter certaines conditions :

  • Expression explicite : Le salarié doit exprimer clairement sa volonté de démissionner, oralement ou par écrit, avec une préférence pour la formalisation écrite.
  • Préavis : Sauf dispense accordée par l’employeur ou exception prévue par la loi, le salarié doit effectuer un préavis dont la durée dépend de la convention collective applicable ou du contrat de travail.
  • Droit au chômage : En principe, une démission n’ouvre pas droit aux allocations chômage, sauf dans certains cas de démission légitime (ex. : changement de domicile, création ou reprise d’entreprise, etc).

Cependant, depuis le décret du 17 avril 2023, la nouvelle règle prévoit désormais qu’en cas d’abandon de poste, lemployeur adresse une mise en demeure au salarié, lui demandant de justifier son absence, ou de reprendre son poste dans un délai d’au moins 15 jours calendaires. Si le salarié ne répond pas dans ce délai, il est réputé avoir démissionné.

L’objectif de cette réforme est double. D’une part, elle permettrait de sécuriser les employeurs face aux situations d’abandon de poste en simplifiant les démarches et d’autre part de limiter les abus liés à l’abandon de poste pour obtenir des droits au chômage.

⚠️ Attention : Avec cette réforme, l’employeur considérera l’absence d’un salarié en abandon de poste comme une démission présumée, ce qui le privera des allocations chômage. La démission ne donne pas droit aux allocations chômage. 

Dans une décision du 18 décembre 2024, le Conseil d’État, saisi par des syndicats de salariés, rejette la demande d’annulation du décret du 17 avril 2023 mettant en œuvre le dispositif de présomption de démission en cas d’abandon de poste, instauré par la loi du 21 décembre 2022. Le Conseil d’État précise que le salarié doit « nécessairement être informé, lors de la mise en demeure, des conséquences pouvant résulter de l’absence de reprise du travail sauf motif légitime justifiant son absence ». Les conséquences visées ici sont la démission présumée et l’absence d’allocation chômage. À défaut, si l’employeur n’informe pas le salarié, la démission ne pourra pas être présumée en cas d’abandon de poste.

Tableau comparatif entre la démission et l’abandon de poste 

Critères Démission Abandon de poste
Volonté du salarié Claire et explicite Absence injustifiée et prolongée
Procédure Lettre de démission + respect du préavis Mise en demeure par l’employeur
Décision de fin de contrat Décision prise par le salarié qui en informe l’employeur  Décision constatée par l’employeur
Droit au chômage Non (sauf démission légitime) Non si l’employeur respecte la démarche de la la réforme de 2023 et considère l’abandon de poste comme une démission présumée
Préavis Obligatoire sauf dispense Pas de préavis applicable

Ainsi, depuis la réforme, l’employeur doit suivre une procédure précise qui s’articule en trois étapes pour gérer un abandon de poste :

  1. Envoyer une mise en demeure au salarié l’informant des conséquences de l’absence de reprise du travail sans motif légitime, par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre signature.
  2. Accorder un délai de 15 jours calendaires au salarié pour justifier son absence, ou reprendre son poste.
  3. Constater la démission si le salarié ne répond pas à la mise en demeure. 

Concrètement, le salarié qui abandonne son poste s’expose désormais à plusieurs conséquences à savoir la fin du contrat par démission présumée (l’absence de préavis et surtout la perte des allocations chômage, sauf si le salarié peut prouver que son abandon de poste relève d’une situation exceptionnelle par exemple en cas de danger pour sa santé.

Si un salarié souhaite quitter son emploi, il est préférable d’opter pour des solutions formelles comme :

  • La démission : claire, transparente et encadrée.
  • La rupture conventionnelle : un accord entre l’employeur et le salarié permettant une rupture à l’amiable du contrat de travail, avec droit aux allocations chômage.
  • Les cas de démission légitime : si le départ du salarié résulte d’un motif légitime reconnu par France Travail (ex. : suivi de conjoint, projet professionnel). 

Actuellement, peu d’employeurs choisissent d’appliquer la nouvelle procédure de présomption de démission. Par mesure de prudence, ils privilégient généralement la procédure de licenciement pour faute grave, dont les effets et les implications sont plus familiers et mieux maîtrisés. Au 1er semestre 2022, 123 000 salariés sont licenciés pour faute grave ou lourde suite à un abandon de poste. (Source : Dares)

En conclusion, il convient de retenir que la réforme de 2023 a profondément changé la gestion de l’abandon de poste, en l’assimilant désormais à une démission présumée après une mise en demeure. Cette mesure permet de sécuriser les employeurs et limite les abus tout en rappelant aux salariés l’importance de respecter les procédures formelles pour quitter leur emploi. 


 

 

Epiphanie AYERI,

Juriste experte en Droit du travail, Droit de la Formation professionnelle. Fondatrice de MLDS Lire la suite…

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